
J’avais initialement prévu de reprendre dès la semaine passée la routine d’entrainements et d’exercices en vue de ma perte de poids. La semaine passée, tout s’est passé comme sur des roulettes. Mais, cette semaine, il en a été tout autrement. J’ai fini mon weekend et démarré ma semaine avec un mal de tronche pulsatile. Une migraine qui fait mal au crâne à chaque pulsation cardiaque. Alors, lundi et mardi, impossible de faire le moindre effort physique, car cela engendrait plus de douleurs. L’ensemble des symptômes ressemblait fort à la COVID telle que je l’ai connue. Quoi qu’il en soit, c’est maintenant passé. Je dois ainsi admettre que le premier cycle sportif n’aura pas été réussi et que je me dois de redémarrer. Pour rappel, je m’étais imposé comme objectif de terminer deux cycles de deux semaines de routines sportives avant de mettre en place d’autres habitudes. Même si l’échec n’est pas de mon fait, je dois me rendre à l’évidence que l’habitude ne peut pas s’ancrer si je tombe malade.
Durant ces deux jours où j’étais malade, on m’a enjoint à prendre du paracétamol pour diminuer les maux de tête. Ceux-ci n’étaient pas insupportables et j’ai préféré ne pas prendre de cachet. Non pas que j’aime spécialement la douleur, mais je préfère, dans la mesure du possible, ne pas prendre de médication dite « de confort ». C’est drôle, car lorsque je parle de médication de confort, la première réaction est toujours la même : « ah, tu es anti-médicaments! ». Qu’on ne me fasse pas dire ce que je n’ai pas dit : je ne suis pas anti-médicaments, je suis pro-vaccin et contrairement à d’autres mystiques, dont certains font partie de mes amis, je suis convaincu que la médecine occidentale, fondée sur les preuves, est bonne.
Du consumérisme médicamenteux
Si je ne pense donc pas qu’il y ait un complot de « big pharma », je réalise néanmoins que les pharmacies, pour tourner, doivent faire du chiffre. Comme tous les biens de consommation, les médicaments n’échappent pas aux logiques marketing. Ceci est rendu possible par plusieurs « symptômes » liés à ce que je considère être des maux de notre société. Le premier est la recherche exacerbée de confort dans tous les aspects de notre vie et le rejet de la moindre souffrance. Lorsque je me remémore les histoires que ma grand-mère me racontait quand j’étais petit, la manière qu’elle avait de traverser les pépins physiques qui se manifestaient, que je mets cela en parallèle à ce que je connais, j’ai le sentiment que nous sommes devenus de manière générale, non pas faibles, mais beaucoup moins tolérants à l’inconfort. Plus : j’ai parfois le sentiment que l’on tente, aujourd’hui plus qu’autrefois, d’annihiler toute souffrance de la vie. Or, la souffrance, envisagée de manière plus large qu’en termes de douleur physique, est-ce qui, à certains moments de la vie, permet de grandir et d’avancer. Les premiers chagrins d’amour, les deuils, sont vitaux pour se construire et se préparer à ce qui advient. Personne ne veut souffrir, moi le premier. Mais, vouloir évacuer toute souffrance, c’est vouloir vivre une vie qui n’en est pas une. Lorsque mes enfants étaient tout petits, je me rappelle qu’à chaque bobo, jusqu’aux piqûres de moustiques, leur grand-mère avait un médicament pour atténuer les symptômes. À l’opposé, mon médecin de famille me disait que pour une personne de bonne condition, une grippe avec médicaments, c’est une semaine, et qu’une grippe sans médicament, c’est sept jours. La seule différence, disait-il, c’est que sans aide médicamenteuse, le temps passe plus long. Mon père, quant à lui, avait coutume de me dire que lorsque l’on est malade, ce qu’il fallait surtout, c’était bien dormir, se nourrir, bien s’hydrater et se laver.
Un autre aspect : la course à la performance. Lorsque je travaillais en addictologie, je me rappelle que plusieurs collègues ne supportaient pas d’être malades. L’une d’entre elles me disait : « quand je suis malade, je me lève, je me bourre de cachets pour supporter et je file au boulot ». Les discussions que nous avons eues ont révélé que cette attitude sous-tendait plusieurs choses. Tout d’abord, il y a l’image qu’elle voulait renvoyer : celle d’une personne qui travaille et qui est performante, même quand elle est dans le dur. « Je ne suis pas une feignasse ! » Ensuite, et c’est corrélé à la première idée que les personnes malades sont des profiteurs qui ne viennent pas travailler. Globalement, j’y vois la volonté d’indexer la valeur d’une personne à sa productivité, ce qui me déplait absolument. Mais, au final, une telle attitude n’a pour effet que de nier le réel exprimé par le corps et de dégrader la santé physique et psychique en s’enfermant dans une sorte de monde idéalisé de ce que l’on (et les autres) devrait être et faire. C’est du déni du réel : on ne veut pas écouter ce que le corps raconte.
De l’usage du bon sens
J’ai aujourd’hui adopté une attitude plus tempérée. Lorsque mon corps me dit quelque chose, je l’écoute. La douleur est une information. Littéralement, elle m’informe de quelque chose. A moi de prendre acte et de faire ce qu’il faut pour en tenir compte. Le directeur de l’institution en addictologie où je travaillais a traversé une longue phase où il était arrêté par des désagréments somatiques dont on ignorait l’origine. Après des mois de tests, il s’est avéré qu’il était atteint de la maladie cœliaque, mais qu’on ne l’a pas diagnostiqué de suite car il faisait partie d’une extrême minorité de personnes qui ne produisent pas d’anticorps anti-transglutaminase, rendant ainsi le diagnostic plus difficile. Après que la pathologie ait été diagnostiquée et qu’il ait repris du poil de la bête, je suis moi-même passé par une phase ou j’ai eu des soucis de santé. Un jour, alors que nous étions en entretien dans son bureau, et que je me forçais à être présent au-delà de mes capacités physiques (pour des (mauvaises) raisons d’image envers mes collègues), mon directeur m’a regardé droit dans les yeux et m’a dit : « Jérôme, la santé, tu n’en as qu’une ». Il parlait en connaissance de cause. Ce n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd. Depuis ce jour, quand je suis malade, je fais ce que mon père m’avait prescrit : je m’arrête, je dors, bois, mange, me lave et j’aère mon appartement.
C’est comme cela que j’ai traversé le diagnostic des lésions cartilagineuses que j’ai aux chevilles : en acceptant le réel, en écoutant l’information que me donnait mon corps et en adaptant mon hygiène de vie. J’ai pris quelques antidouleurs lorsque j’avais vraiment trop mal aux articulations, mais dans la mesure du possible, quand la douleur se manifeste, j’anticipe en m’arrêtant. C’est l’attitude que j’ai aujourd’hui de manière générale : j’utilise une aide médicamenteuse lorsque c’est curatif ou lorsque les symptômes deviennent insupportables. C’est en ce sens que j’ai banni la médication de confort et que je n’ai pas pris de paracétamol en ce début de semaine. Toute cette digression pour dire cela !
Médication de confort ou non, ce que je voulais écrire, c’est que j’ai été retardé dans l’établissement de mes nouvelles habitudes et que je dois reprendre à zéro pour ce qui est du sport.