
Je pensais que j’étais un vieux con. Finalement, je surfe sur les modes de mon temps. Une tendance du moment en matière de communication si j’en crois mon opérateur, c’est le dumbphone. Apparemment, d’autres essaient de revenir à des modes de communication plus épurés, et ressortent comme moi de vieux téléphones portables des tiroirs.
Plus sérieusement, plusieurs choses me dépassent dans cette idée. La première, c’est cette volonté de toujours conceptualiser et de donner des noms à des démarches. Comme si le fait de ne pas avoir de smartphone ne suffisait pas, il faut nommer la chose. Il faut aussi l’inscrire dans une opposition (ça y est, le retour du vieux con). Croyant et athée, neurotypique et neuroatypique, et maintenant smartphone et dumbphone. En fait, tout est question de labellisation. C’est vraiment plus cool et engagé d’avoir un dumbphone que de ne pas avoir de smartphone. Et, cette tendance à tout labelliser traduit, il me semble, une sorte d’obsession pour l’identité et l’appartenance à des groupes.
Surtout, le label, le concept, le nom, la catégorie est un moyen rapide de commercialiser la chose. À quand un onglet « dumbphone » sur le site Internet de mon opérateur ? Les pronostics sont ouverts. Après les smartphones pour senior, pour enfant, d’extérieur, bientôt les dumbphone. Ce qui me met en colère (parce que oui, là, je suis un tout petit peu énervé), c’est cette récurrence de tout instrumentaliser pour en faire un argument marketing. Ici, on parle d’une tentative de retour à la simplicité de personnes qui souhaitent épurer leur vie. Voilà que leur nombre grandissant, cela devient une opportunité marketing qu’il faut donc saisir. On profite donc de la volonté de sortir d’une aliénation pour en créer une nouvelle et pour générer encore plus de profit. Détestable !
Le problème, c’est qu’il est quasiment impossible de prendre du recul sur notre société marchande et sur le monde dans lequel nous vivons : si chacun de nos mouvements et de nos choix devient un concept et un argument marketing, alors quand devenons-nous réellement sujets ? Nous sommes constamment baignés dans une condition d’objet.