
Aujourd’hui, c’est l’anniversaire de ma fille. À cette occasion, il semblerait que plusieurs personnes m’aient envoyé des messages WhatsApp pour lui souhaiter un bon anniversaire. J’avais pourtant prévenu que je n’avais plus l’application. Mais apparemment, l’information a simplement été déniée. Heureusement pour ma fille, mon ex-femme est venue souper à la maison pour que nous fêtions tous ensemble : comme elle était sur les groupes WhatsApp concernés, elle a pu lui faire lire les messages. Cela fait plusieurs années que j’encourage les gens à ne pas écrire des messages, mais à téléphoner aux enfants pour leur anniversaire, mais personne ne le fait. Peut-être que dans un an, après une année de plus sans WhatsApp… qui sait ?
Plusieurs personnes, qui n’avaient pas connaissance de l’anniversaire du jour, m’ont, elles, appelé pour me signifier que je ne répondais pas à leurs messages sur l’application. Une personne m’a assez fortement invectivé de la ghoster comme je le faisais. C’est ironique, car toutes ces personnes ont été informées que je quittais les réseaux sociaux. Peut-être se sont-elles dites que je plaisantais ou que je ne le ferais pas vraiment. Plusieurs messages insistent également sur le temps de réponse qui se veut effectivement plus long par SMS depuis que j’écris sur un clavier à touches. Je réalise à quel point le temps de réponse semble crucial pour beaucoup de personnes. Il faut une réponse, et rapidement. Et la non réponse semble plonger pas mal de monde dans de drôles de pensées et de scénarios.
Je crois saisir que beaucoup n’ont pas compris que je ne souhaitais pas seulement ne plus avoir d’écran et de smartphone, mais que je désirais aussi passer beaucoup moins de temps à écrire et à échanger par messages. Alors, je l’ai réaffirmé à plusieurs reprises en guise de réponse, afin d’être clair et transparent dans la communication. Mais ce n’est pas du goût de tous.
De nouveau, les gens dégoulinent
En vérité, ça me saoule. Entre les questionnements incessants sur le « pourquoi mon retrait ? » (visant visiblement à me faire changer d’avis), les invectives, les pleurnicheries parce que mes messages collectifs n’étaient pas assez individualisés, le déni… Il est fou de voir comment les choix d’une personne, qui lui appartiennent pourtant, peuvent à ce point déchaîner les passions. Comme s’il n’y avait pas de choses plus importantes dans le monde ou comme si ma démarche était une excuse pour s’achopper sur une chose et s’occuper l’esprit pour ne pas en voir d’autres. De voir comment certains se permettent de dégouliner, d’étaler leurs opinions et leurs points de vue, sans pourtant avoir d’argument ou de raisonnement valable ou intéressant. Oui… ça me saoule.
Il y a quelques années, j’étais allé bruncher chez Davide avec mes enfants. Ma fille était dans une période où elle aimait mettre du vernis à ongles à tout le monde. Je me rappelle très bien ce moment, qui reste un très bon souvenir : j’étais assis (affalé) sur une chaise longue, et ma fille appliquait du vernis bleu sur ma main droite. Le lendemain, je me suis rendu au travail. Comme je n’avais pas de dilutif à la maison, je n’ai pas enlevé le vernis (et même si j’en avais eu, je ne l’aurais probablement pas enlevé). Ce qui m’avait frappé ce jour, c’est la manière dont cinq ongles colorés ont pu à ce point enclencher des discussions invraisemblables et surtout si nombreuses. Il y avait la guerre, des aberrations économiques, écologiques et sociales partout autour de nous, nous travaillions dans une institution au contact personnes vulnérables dans des situations extrêmement précaires et dont la société se fichait… mais il y avait bien plus important que tout cela : Jérôme avait du vernis sur les mains.
Un collègue s’était approché de moi et m’avait alors posé une question : « Mais dis-moi, tu es hétérosexuel ? » Je lui ai demandé pourquoi il me demandait cela. Sa réponse a été un geste assez méprisant de pointer du doigt ma main aux ongles bleutés. Puis il s’est mis à crier et à littéralement me gronder. Le simple fait de porter du vernis tout en étant un hétérosexuel présumé a suffi à questionner sa propre orientation sexuelle parce que, disait-il, « un hétéro ne met pas de vernis sur les ongles! ». (Je crois d’ailleurs que Davide avait vécu une expérience similaire avec ses ongles vernis lui aussi) Eh bien là, j’ai le même sentiment que quand j’ai mis du vernis. J’ai quitté WhatsApp et les réseaux sociaux : j’ai fais quelque chose qui me semble assez anodin, qui ne fait de mal à personne (au contraire même). Pourtant, certains y trouvent un motif à s’indigner. Finalement, que sont les préoccupations géopolitiques mondiales face à l’arrêt de WhatsApp de Jérôme ? Bien peu de choses, il est vrai !