Journal de bord #34 – fatigue intense

C’est un peu la déprime depuis quelques jours. Déprime parce que je prends de plus en plus conscience de la fatigue que j’ai accumulée au fil du temps. Un de mes amis fait un burn-out et est en arrêt de travail. En discutant avec lui, je prends conscience du rythme pathologique dans lequel je vis/nous vivons. Le travail, les enfants, le ménage, la cuisine et les courses, les études, ou comment se blinder de cortisol. Pour ma part, je ne suis pas en burn-out. Cependant, j’ai accumulé une fatigue assez intense lors de la dernière année et demie, et la chose dont j’ai le plus besoin aujourd’hui, c’est de dormir. Comme je l’ai écrit l’autre jour, le fait de prendre de la distance et d’augmenter les temps de repos n’ont pas eu l’effet escompté : plutôt que de me reposer, plus je me repose, plus la fatigue se révèle et plus, je prends conscience de la manière dont j’ai tiré sur la corde. J’ai tiré sur la corde, et dans le même temps, je me suis passablement renié au nom de la sacrosainte relation à l’autre.

Pet contenu

Je me suis renié, non pas au sens où je n’ai pas tenu compte de moi et de ce que je crois juste, mais au sens où je laisse un peu trop les personnes dégouliner. Anticipant les conflits en refusant de donner mes points de vue (même lorsque ceux-ci sont étayés), il est vrai que je tais mes opinions et mes réactions spontanées dans toutes mes relations. Je fais le poing dans la poche et je me dis que la paix des ménages vaut souvent mieux qu’un conflit stérile et que de l’énergie perdue à dialoguer dans le vide. Mon parcours et mon expérience sont jalonnés de tout un tas de conflits inutiles. Mais, bon, comme on dit : pet contenu, furoncle au cul. À force de me taire pour préserver les autres, en me disant que de moi à moi, je sais où je me situe intérieurement, eh bien, cela finit par me bouffer.

L’équilibre est dur à trouver pour moi. Je suis assez tranché, et c’est généralement tout ou rien. Dans l’épisode cinq de la première saison de Sandman, John, l’un des personnages, est en possession d’un rubis qui lui permet de matérialiser ses rêves. Il utilise le pouvoir du bijou pour pousser les personnes présentes dans un café à ne plus mentir du tout et à dire le fond de leur pensée sans aucune concession. Face à la vérité insupportable, tout le monde finit par s’entretuer. Un ami me disait il y a quelque temps qu’il voulait tenir un journal dans lequel il disait tout ce qu’il pense, sans aucune concession, sans aucune limite. Il a très vite ajouté que malheureusement, ce journal, il ne pourrait le montrer à personne. De mon côté, je peine à trouver l’équilibre entre dire tout ce que je pense et faire le poing dans ma poche.

Furoncle au cul

Par le passé, j’ai eu pris la décision d’être frontal dans toutes mes interactions. Me permettre de dégouliner sur les autres, moi aussi, avec la résolution de ne le faire que lorsque mes positions et mes idées étaient étayées, sans succomber à des conclusions trop hâtives. La réalité de mon expérience, c’est qu’à part avec mes amis proches, cela n’a pas du tout été productif. Le 100% frontal, même dans le calme et enrobé d’arguments solides, cela ne fonctionne pas dans les relations. Peinant à trouver un équilibre, je suis revenu en arrière. Furoncle au cul : je n’en peux plus. La solution, c’est peut-être alors de ne choisir de côtoyer que les personnes qui sont prêtes à accepter cela ?

Ce qui est le plus fou, c’est que tout un tas de personnes qui ne supporteraient probablement pas mes discussions sont celles qui se permettent le plus souvent de juger ce que je vis en ce moment. Tant sur WhatsApp et les réseaux sociaux, que sur l’hygiène de vie que je vise, jusqu’à mon état de fatigue du moment, un peu préoccupant. « Moi aussi, je gère mes enfants et je travaille, et pourtant je vais très bien ». « Tout le monde est fatigué ». « Tout le monde veut se reposer, mais on ne peut pas, alors bouge-toi ». Sauf que je ne parle ni de tout le monde, ni de l’autre, mais de moi et de mon état. Je me suis mis à fantasmer d’avoir les deux pieds cassés, histoire qu’on me laisse tranquille : avec deux pieds dans le plâtre, j’aurais un mal objectivable visuellement. On me laisserait peut-être tranquille. J’ai partagé ce fantasme avec mon ami en burn-out qui me confiait qu’il avait pensé exactement à la même chose.

J’ai besoin de dormir, beaucoup et sur une période d’une durée indéterminée. Pour tout le monde, cela sera à prendre ou à laisser. Je sens que les relations sociales à venir seront électrisées par un manque de retenue de ma part. Le furoncle est un peu gros, il a besoin d’exploser.

Un commentaire

Laisser un commentaire