
Avant, lorsque j’avais un moment à tuer ou lorsque je m’ennuyais pendant une pause, il me suffisait de mettre la main dans la poche, de sortir mon téléphone et de déverrouiller l’écran. Des vocaux sur WhatsApp, une recherche Google, une vidéo sur YouTube, une partie d’échecs via une application. Tout creux dans la journée trouvait un remplissage avec le smartphone. Depuis quelques jours, je n’ai plus de smartphone et les creux se sont transformés en moments de vide. De nouvelles habitudes doivent remplacer les anciennes.
Noter et lire
Lorsque j’avais une idée, lorsqu’une personne me faisait part d’une fulgurance qui me marquait, ou encore lorsque j’assistais à une scène dont je voulais me rappeler, je sortais mon smartphone et je faisais directement un vocal à un ami, le plus souvent à Davide. En plus de le notifier quelque part, cela venait nourrir nos innombrables discussions. Dès mon premier jour sans smartphone, j’ai réalisé à quel point j’observais le monde, et à quel point l’absence de moyens pour retranscrire ce que j’y voyais me manquait. J’ai donc maintenant avec moi un petit carnet de notes dans lequel je consigne les faits saillants de mes journées.
En vérité, je me suis senti comme nu. Dépouillé de ce qui occupait mon temps. Cette sensation m’a incité à de nombreuses reprises à continuer à mettre la main dans ma poche pour trouver un smartphone qui n’y était plus. Je regarde alors encore l’heure un nombre considérable de fois chaque jour. Mon smartphone est maintenant quotidiennement remplacé par un sac à dos comprenant un stylo et le fameux carnet de notes. Mais aussi un agenda papier et un livre. Si j’ai mes enfants avec moi, j’ajoute un appareil photo (celui que j’avais reçu à mon mariage), un Nikon dont j’ignore le modèle, mais qui me permet d’immortaliser des moments avec mes petits, même sans téléphone.
Cela change tout. Le soir, en rentrant, je parcours mon carnet de notes pour faire le tour de ce que j’y ai noté et transférer chaque chose dans un carnet ou un fichier dédié. Je digère et j’intègre bien mieux les idées, et je réalise que cela sert ma créativité. En plus de pouvoir plus lire et écrire, quantitativement parlant. La quantité n’étant pas bien sûr le but en soi, mais un meilleur aménagement de mon temps, selon mes critères personnels.
Une redécouverte
J’ai aussi redécouvert une chose que je n’avais plus rencontrée depuis longtemps. Depuis l’école secondaire et les attentes à l’arrêt de bus. Ou le lycée et les attentes sur le quai de gare, seul. J’ai redécouvert l’ennui. Si la première fois, je me suis senti un peu mal de ne pas avoir quelque chose à faire avec mes mains, dès la deuxième fois, j’ai laissé mon esprit vagabonder. Des pensées ont afflué, et j’ai alors regretté de ne pas avoir encore pris le pli de mes nouvelles habitudes et d’avoir oublié mon carnet de notes.
Il semblerait que cet espace laissé à la dérive et à l’errance mentale et intellectuelle permette l’activation de mon « réseau du mode par défaut ». C’est un réseau constitué de régions cérébrales actives lorsque l’on n’est pas tourné et focalisé sur le monde extérieur. C’est ce qui permet entre autres la réflexion introspective, la planification future et l’association créative d’idées. En laissant mon esprit vagabonder, je lui facilite donc la digestion et la mise en lien des nouvelles données que j’ai ingurgitées.
Ces moments d’ennui facilitent en fait la consolidation et l’intégration de nouvelles informations. Je peux mettre en relation des idées disparates et faire des liens. Ces moments de calme et de rêverie, que je n’avais plus, sont en fait cruciaux pour intégrer, synthétiser et transformer l’information en connaissances profondes ou en idées créatrices. Dans une période où j’ai envie de pouvoir développer plus ma créativité, c’est de bon augure. C’est donc vrai ce que l’on dit : l’ennui est bien utile à la création.