
Elles ont l’interdiction de fréquenter les parcs, les salons de beauté, de conduire une voiture, de voyager sans chaperon, d’étudier à l’université ou même à l’école qu’elles doivent quitter dès 12 ans. Voilà l’état du droit des femmes en Afghanistan sous le régime taliban. Tout étant obstrué pour les jeunes filles, dès la puberté, elles sont mariées, parfois vendues par leur mère afin de subvenir aux besoins de la famille, l’écrasante majorité de la population vivant sous le seuil de pauvreté. Une réalité qui tranche avec la nôtre. Une violence inimaginable. Ce livre est une lecture qui met au premier plan la réalité de femmes et de jeunes filles à qui on interdit des droits fondamentaux, confie Hamida Aman, initiatrice de Radio Begum.
Le livre « Résistance. Renaissance. » est publié chez Labor et Fides en avril 2024. « Ce recueil de textes et d’images donne un écho aux voix de Radio Begum, la « radio des Reines» faite par et pour les femmes afghanes. Des femmes-relais qui deviennent témoins et inspirent aux auteur.e.s des textes inédits, des coups de gueule et des coups de crayon, des jeunes filles qui s’élèvent sur des livres-volants, des hommages aux frondeuses, des croquis de voyage, des cahiers clandestins.«
Recontextualisation
En 2021, les États-Unis finalisent le retrait de leurs troupes d’Afghanistan, après vingt ans de guerre contre les talibans. Cette décision, initiée par Donald Trump et confirmée par Joe Biden, vise à mettre un terme à une intervention déclenchée après les attentats du 11 septembre 2001. Le 12 juillet, le général Austin Scott Miller, chef des forces américaines et de l’OTAN en Afghanistan, quitte ses fonctions, marquant une étape importante dans ce processus. Alors que les talibans reprennent rapidement du terrain, revendiquant le contrôle de 85 % du pays et encerclant Kaboul, de nombreux pays évacuent leurs ressortissants. Le 15 août, les talibans entrent dans la capitale après la fuite du président Ashraf Ghani.
Face à la situation, Ahmad Massoud, fils du commandant Massoud, appelle à la résistance contre le nouveau régime fondamentaliste. Malgré ces oppositions, le 30 août, le dernier avion militaire américain quitte Kaboul, scellant le retrait total des États-Unis et mettant fin à une intervention militaire qui aura duré près de deux décennies.
« Les images du 15 août 2021 ont marqué le monde entier. Ce jour-là, l’Afghanistan a basculé. Les talibans se sont emparés de tous les lieux de pouvoir. Le drapeau afghan disparaît. Le rouge et le vert disparaissent. Le noir l’emporte. Le noir s’installe. Dans les profondeurs des ténèbres, le silence s’abat sur les femmes, tout comme l’oppression. Un coup d’arrêt à la liberté et à toute possibilité d’émancipation, une mise à l’écart, un assassinat social. Les femmes se verront privées de leurs droits et libertés élémentaires. Elles seront empêchées d’occuper de nombreux emplois, d’aller à l’école, à l’université. Elles devront couvrir leur visage en public et rester chez elles, sauf en cas de nécessité. » (p. 27)
Cette même année, en 2021, Radio Begum a été créée en Afghanistan, dans un contexte marqué par le retour au pouvoir des talibans. Cette radio féminine, dirigée par des femmes, a été lancée pour promouvoir l’éducation, les droits des femmes et la culture, dans un pays où ces libertés étaient menacées. Malgré les nombreux défis et les restrictions imposées par le régime taliban, Radio Begum est devenue un symbole de résistance et de lutte pour l’émancipation des femmes afghanes.
En novembre 2023, l’association lance Begum Academy. Ce projet vise à soutenir l’éducation populaire, et surtout à donner l’occasion aux femmes, lycéennes et collégiennes n’ayant plus accès à l’éducation depuis août 2021, de continuer à s’instruire et à apprendre. Enfin, en mars de cette année naît Begum TV, une télévision satellite dans le prolongement des deux autres projets, proposant des cours en vidéo. Elle diffuse aussi aux heures de grande écoute des divertissements plus familiaux et des contenus de soutien psychologique.
Le livre
Une ode à la liberté. Voilà ce qu’est ce recueil. Malgré des abîmes de souffrances et d’oppressions, des femmes continuent de se lever encore et encore pour se battre pour leurs droits. « La voix des femmes doit résonner avec une puissance assourdissante qui couvre le silence millénaire auquel elles ont toutes été assignées. » (p. 28) Ce n’est donc pas qu’elles aiment la liberté. Elles sont la liberté !
Frishta dont le rêve est de devenir médecin. Prina qui aspire à devenir une grande avocate pour défendre le droit des femmes. Deux femmes qui n’ont pas abandonné leur rêve et qui continuent de travailler avec acharnement pour atteindre leurs objectifs. Elles sont, comme d’autres, le fer de lance de ce combat. Dans ce livre, elles sont accompagnées d’écrivain.e.s, d’employées de Radio Begum, de personnes engagées dans l’humanitaire, de reporters, d’anthropologues, de médecins, d’artistes, de philosophes, mais également d’illustrateur.rice.s, qui tour à tour nous parlent, par les mots et les croquis, de leur engagement pour défendre le droit des femmes afghanes.
Une ode à la liberté, donc. Mais aussi, ce livre est une bouffée d’air frais. Dans un quotidien routinier, la tête dans le guidon de mes problèmes, lire ces contributions, en plus de me rouvrir les yeux sur cette réalité, m’incite à me relever avec plus de force et de conviction. Profondément bouleversant, il m’a aussi élevée par la force de toutes ces femmes qui continuent à se battre. Parce qu’elles ont compris que « sans liberté, la vie n’est rien« . Un livre important, qui rappelle que, où que l’on soit, « il est du devoir de chacun et dans l’intérêt de tous de vivre dans une paix durable bâtie sur la justice et l’égalité« .
Ce recueil est disponible sur le site de Labor et Fides. Il est à noter que l’intégralité des droits
d’auteurs du livre seront reversés au profit de Radio Begum.
Pour soutenir Radio Begum et Begum TV : www.helloasso.com/associations/bow-radio-begu
Le site de Radio Begum : http://www.begum.fm/
Le site de Begum Academy : https://begum-academy.org/en/