Journal de bord #47 – la tentation incessante

Voilà quelques jours que j’ai décidé d’éliminer ou de limiter drastiquement les uns après les autres, le sucre, l’alcool, la charcuterie, la crème, le beurre, le fromage. Autant de plaisirs instantanés que j’avais réalisé ne plus totalement contrôler. Je ne vais pas mentir : chaque jour est une lutte contre la tentation et une somme d’efforts considérables pour ancrer un peu plus ces nouvelles habitudes. À plusieurs reprises dans mon parcours, j’ai parlé d’aliénation, et ces derniers jours n’ont fait que me confirmer cette idée.

L’aliénation, d’un point de vue marxiste, est une perte de contrôle et de connexion à soi-même, à son travail et aux autres, causée par un système qui transforme les individus en outils au service de la production et de la consommation. On devient étranger à ce qu’on produit, à ses désirs profonds et à son humanité. On passe d’un statut de sujet à celui d’objet. Dans mon cas, même si on ne parle pas de travail, les tentations alimentaires et les injonctions sociales (notamment l’injonction hédonique) illustrent cette aliénation : elles reflètent un conditionnement dans lequel mes choix semblent dictés par des forces extérieures (publicité, normes sociales), m’éloignant de ce qui a du sens pour moi. Résister à ces tentations devient alors un acte de réappropriation de ma liberté et de mon humanité. C’est la possibilité de redevenir sujet. Dans un monde marchand, l’aliénation se manifeste ainsi par la réduction des individus et des relations humaines au statut d’objets ou de marchandises. Les désirs profonds sont détournés et transformés en besoins artificiels par un système qui incite à la consommation incessante.

Il y a d’abord les publicités sur lesquelles j’ai déjà écrit un billet qui jalonnent nos journées. Il y a ensuite toutes les manœuvres mises en place par les magasins et qui poussent à l’achat. J’en prends de plus en plus conscience à mesure que je réduis mes achats à ce qui est nécessaire. Entre le placement stratégique des produits, les promotions et réductions, les emballages et la présentation des produits et les incitations émotionnelles, tout vise à maximiser les ventes et à encourager les consommateurs à dépenser plus. Il m’est déjà arrivé de me rendre au magasin pour acheter des choses précises et de repartir avec bien plus de produits que prévu. Je pense que je ne suis pas le seul à qui c’est arrivé.

Puis, j’en ai aussi déjà parlé, il y a les injonctions tacites. L’injonction hédonique d’abord, dans laquelle les proches, même ayant connaissance de ma démarche et de mes objectifs, me plongent. Un dessert ajouté « juste pour me faire plaisir », une remarque anodine comme « allez, un petit écart, ça ne compte pas », ou l’insistance à trinquer pour célébrer une occasion, m’entraînent dans un conflit intérieur. Leur bienveillance devient, malgré eux, une pression supplémentaire. » L’intention est à chaque fois bonne, mais la globalité des propositions rend ma tâche difficile.

 Rester fidèle à mes décisions devient un exercice d’équilibriste. D’un côté, je tiens à mes choix, mais de l’autre, je ne veux pas froisser ceux qui les remettent en question, souvent par affection. Chaque victoire sur la tentation est alors une petite fierté, mais elle s’accompagne aussi d’une fatigue insidieuse. Résister, jour après jour, demande une énergie mentale constante. Parfois, je me demande si cela en vaut vraiment la peine. Puis, un moment de clarté me ramène à l’essentiel : ces efforts ne sont pas pour prouver quelque chose aux autres, mais pour me retrouver moi-même. Il n’empêche : il y a des moments où je craque complètement. Sauf qu’à la différence d’avant, je ne m’empiffre plus de sucreries ou de chips. Mais, de « blévitas » et de mandarine. Je réalise alors l’impact de mes émotions et de leur gestion sur ce que je mange et comment je le mange. Si j’ai rééquilibré l’apport alimentaire et calorique, il y a une composante émotionnelle et un lien à la nourriture qui lui reste à reprendre.

Moi qui me demandais comment diriger la suite du processus et quel serait le prochain changement, peut-être que je devrais envisager d’aller voir ma psy pour lui parler de cette manière de réguler mes émotions en mangeant. Finalement, ce cheminement me semble être une lutte bien plus vaste qu’un simple régime alimentaire ou une réduction de consommation. C’est une bataille pour la liberté intérieure, un effort pour vivre selon mes valeurs et non celles imposées par un système extérieur.

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