De la prière en tant qu’accompagnant spirituel

Ce billet fait suite aux trois billets précédents sur la question des miracles (partie 1partie 2 et partie 3), à la suite desquels on m’a énormément posé la question de savoir si je priais ou non avec mes patients. Cette esquisse répondra probablement à ces questionnements.

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Sous sa forme traditionnelle, [la prière d’intercession] confine au rituel magique : on implore les dieux pour tenter de les décider, par exemple, à guérir un malade. Dieu est alors une sorte d’automate qui se met en marche lorsqu’on introduit une pièce de monnaie dedans. Dans sa variante contemporaine qui en fait une prière pour les victimes de maux dont l’homme est cause, tels que famine, misère et mortalité infantile, elle est souvent un compromis entre fausseté et moyen de se tranquilliser. Klaas Hendrikse

Vient alors la grande question que l’on me pose fréquemment : est-ce que je prie avec mes patients ? Comme toujours, ma réponse est nuancée : je déclame ou prie (encore faut-il s’entendre sur ce que veut dire prier et déclamer) avec des personnes qui en font la demande, sans pour autant aller dans le sens de ce qu’ils m’ont demandé, et toujours en tenant compte de mes convictions et de mes croyances propres. Voilà qui donne matière à développer. Je fais ici appel à Klaas Hendrikse et à son livre « Croire en un Dieu qui n’existe pas » publié chez Labor et Fides, car à bien des égards, sa posture m’a aidé à trouver la mienne.

Qu’est-ce que la prière ?

Je décris ici comme prière un acte, individuel ou collectif, codifié ou non, par lequel on s’adresse à un Dieu ou à son médiateur. Cet acte procède donc de la croyance en l’existence d’une divinité. Lorsqu’elle est collective, sa pratique suppose en général des croyances communes. Dans le cadre de mon travail d’accompagnant spirituel, il arrive effectivement que des patients, généralement chrétiens, de toutes confessions, me demandent de prier avec eux. Dans ce contexte, je différencie deux types de demandes : les demandes de prières rituelles et les demandes de prières performatives.

Les prières rituelles se caractérisent par leur forme codifiée et leur contenu prédéterminé. Ce sont des prières écrites et/ou souvent mémorisées, récitées de manière presque liturgique, comme le Notre Père ou le Je vous salue Marie. Elles s’inscrivent dans une tradition religieuse collective et servent généralement à entrer en communion avec une communauté de foi ou à structurer un moment spirituel. Elles sont généralement connues par cœur de la part des patients. En revanche, les prières performatives se distinguent par leur dimension d’attente et d’interaction. Elles ne se limitent pas à une récitation ; elles traduisent une demande adressée à une entité divine, avec l’espoir ou la conviction que cette prière provoquera une action, une réponse ou un changement concret dans la situation du priant. Ces dernières sont souvent improvisées ou formulées spontanément en fonction des besoins ou des émotions du moment, mais peuvent aussi être préparées. Dans mon rôle d’accompagnant spirituel, je m’efforce de répondre à ces deux types de demandes avec discernement, en tenant compte de la tradition du patient tout en respectant mes propres convictions.

Dans le cadre d’un accompagnement centré sur la personne, la réponse que je donne à la demande de prière dépend autant du type de prière que de la demande du patient et comment celle-ci entre en résonance avec mes propres croyances.

La prière rituelle

Une prière rituelle peut être utilisée pour accompagner une personne, même sans croyance en Dieu, en raison de sa valeur symbolique, culturelle et relationnelle. Ces prières codifiées, comme le Notre Père ou le Je vous salue Marie, sont souvent enracinées dans une tradition religieuse partagée et peuvent avoir une signification profondément apaisante ou réconfortante pour celui qui les entend ou les récite. Pour la personne accompagnée (notamment en gériatrie dans mon expérience), entendre une prière rituelle connue peut raviver des souvenirs, apporter un sentiment de connexion à une communauté spirituelle, ou simplement offrir un moment de sérénité et d’introspection. Une prière rituelle, comme le Notre Père, n’est pas nécessairement performative, car elle ne vise pas directement à obtenir une réponse ou une action divine. Elle s’inscrit davantage dans une tradition de recueillement ou de communion spirituelle, sans impliquer une attente explicite de changement concret. Je note que s’il n’y a pas d’attente spécifique liée à la prière rituelle, elle peut être pour le croyant une manière de simplement et humblement se placer sous le regard de sa divinité.

Pour ma part, réciter une prière rituelle ne nécessite donc pas forcément une adhésion personnelle à la foi qui l’inspire. Il s’agit plutôt d’un acte de soutien et d’empathie, qui reconnaît l’importance de la spiritualité de/pour l’autre. Dans ce contexte, la prière devient une manière d’entrer en relation avec l’expérience de vie, les croyances et les besoins spirituels du patient, tout en respectant la frontière entre l’accompagnant et sa propre position personnelle. C’est un geste d’humanité qui transcende la croyance individuelle pour valoriser le lien et le réconfort qu’il procure. C’est la raison pour laquelle j’ai sur moi un petit calepin avec à l’intérieur quelques prières chrétiennes (toutes confessions confondues) et quelques psaumes couramment récités par les chrétiens et que je récite avec eux selon leur demande.

Klaas Hendrikse, pasteur athée, l’exprime en ces mots : « Je continue à dire le Notre Père. C’est, à mes yeux, une « petite boîte qu’il ne faut pas ouvrir ». Je n’en change pas un mot, je ne le remplace jamais par une variante ou une version modernisée, je ne le fais pas chanter. Je reconnais de bon cœur que c’est de ma part une inconséquence, mais il arrive que le respect l’emporte. Savoir que ces mêmes mots ont été prononcés durant des siècles par des hommes et des femmes qui ont été nos devanciers, qu’ils continueront à se faire entendre quand nous ne serons plus là, et que de nos jours ils sont prononcés partout dans le monde et dans toutes les langues, en des situations réjouissantes ou tristes, constitue une raison suffisante pour le conserver. » À l’instar de Klaas Hendrikse, beaucoup estiment que c’est effectivement une inconséquence et que c’est l’expression d’une congruence qui n’est pas totale. Je comprends cette position. J’estime pour ma part que lorsqu’il s’agit d’un besoin purement religieux et rituel sans réelle attente d’une réponse divine, je peux bien répondre au besoin du patient que j’accompagne indépendamment de mes croyances.

Les prières performatives

Concernant les prières performatives, ma posture est différente. J’utilise ce terme pour désigner des prières qui visent à mettre la personne en relation active avec le divin, accompagnées d’une attente explicite d’une réponse ou d’une intervention spirituelle. Une prière rituelle peut devenir performative si elle inclut une demande ou une intention spécifique, mais elle peut aussi rester purement formelle, sans cette dimension d’attente. Les chrétiens classent généralement ces prières performatives en différentes catégories : prière d’intercession (demande pour soi ou pour autrui), prière de gratitude ou encore prière de repentance. Bien que leurs objectifs varient, ces prières partagent un point commun : elles sollicitent une implication émotionnelle et spirituelle du priant vers le divin, avec parfois l’espoir d’un changement ou d’une réponse divine : un exaucement, un apport extérieur ou le pardon. Cela diffère des prières strictement rituelles, souvent limitées à une récitation sans attente explicite autre qu’un réconfort psychologique ou émotionnel.

Dans ce contexte, mes convictions jouent un rôle déterminant. Tout d’abord, je ne formule pas de demandes, car, ne croyant pas à une intervention divine dans la vie humaine, cela serait trahir mes croyances. Par ailleurs, je ne proclame pas de « promesses » bibliques, car je n’adhère pas à l’idée d’une efficacité magique ou performative liée à la lecture ou à la proclamation du texte. À mes yeux, l’objectif premier du texte biblique n’est pas de révéler Dieu, mais d’inviter le lecteur à une introspection, en le plaçant face aux récits et aux symboles qui l’interpellent. Ainsi, je ne considère pas la Bible comme porteuse de promesses intemporelles divines, mais plutôt comme une collection de récits à contextualiser, qui peuvent potentiellement transformer l’intériorité du lecteur, à l’instar d’autres récits littéraires ou d’autres figures symboliques.

Enfin, je suis fréquemment confronté à une idée répandue parmi de nombreux croyants, notamment évangéliques et catholiques : celle selon laquelle, en tant qu’accompagnant spirituel, mes prières auraient une efficacité supérieure. Je rejette cette vision, non seulement parce que je ne crois pas en une réponse divine extérieure, mais aussi parce que je suis profondément attaché à l’égalité entre les êtres humains, y compris dans leur expression religieuse : si Dieu existe, face à lui tous les humains sont égaux. Dans cette perspective, je préfère encourager les croyants à prier eux-mêmes, selon leur propre élan intérieur. Mon rôle devient alors celui d’un témoin de leurs croyances et de leurs espérances, ce qui renforce généralement nos relations, plutôt que celui d’un intermédiaire ou d’un prieur privilégié qui vient à mon sens introduire une dissymétrie dans la relation entre le patient et moi avec laquelle je ne suis pas à l’aise.

Il arrive néanmoins qu’un patient insiste et me demande de prier avec/pour lui. Dans ce cas, j’accepte de formuler une déclamation, mais qui respecte mes croyances et mes opinions et qui s’apparente plus à l’expression de ce que je ressens et à celle de mes espoirs pour la personne qu’à une prière. À ce titre, Klaas Hendrikse m’a encore été d’un grand secours. Il dit tout d’abord comme athée qu’il ne s’adresse pas à Dieu, « car [il] refuse d’être complice e tout ce qui tend à maintenir l’idée qu’il puisse exister quelque chose comme un Dieu auquel [il] pourrai[t] parler, qui plus est au nom des autres, et – ce serait le comble !- en lui donnant du Tu ou du Vous. [Il] ne croi[t] pas [lui-même] en un Dieu de cette nature et [il n’a] aucune envie de faire semblant. » Pour ma part, ne croyant donc pas à l’exaucement, je refuse d’être complice de faux espoirs et d’attentes qui me paraissent irréalistes. Je ne m’adresse donc pas à Dieu non plus « de la part » d’un patient.

La question de la mise en lien

Il poursuit en expliquant que ne croyant pas en l’existence de Dieu, il s’efforce de mettre un nom sur des sentiments qui cherchent un destinataire et qui demandent à s’extérioriser, sans chercher à les adresser à quelqu’un. Enfin, il dit ceci : « D’autres situations m’ont appris qu’il n’était pas nécessaire que ce besoin « d’adressage » soit satisfait. S’il se produit quelque chose de très grave – mort subite, grand chagrin – et qu’au désespoir, tel ou tel en vient à se demander : « Pourquoi ? Pourquoi, mon Dieu ? », même de moi, « serviteur de la parole divine », ils n’attendront pas de réponse. Ils ne posent pas de question. Ils « adressent » leur cri de détresse de la même manière que celui qui appelle sa mère dans des situations où toute possibilité de voir cette dernière se manifester est exclue. » J’ai pour ma part réalisé qu’une étreinte, lorsque la relation le permet, ou le fait de prendre la main ou de simplement compatir sincèrement à la peine de la personne, était bien plus porteur que n’importe quelle prière. La question que je me pose n’est donc pas « comment prier ? », « que déclamer ? » ou « quelle réponse donner ? ». Je me contente « d’être » présent.

Dans ce contexte, comme je le disais auparavant, si le patient me demande réellement de prier (ce qui n’arrive pas souvent), ce qui m’importe, c’est la manière que nous avons d’être en lien. Je m’attache donc, comme dit, à exprimer mon ressenti ainsi que mes espoirs pour la personne en fonction de ce qu’elle m’a dit d’elle et de sa situation. Je ne demande rien, je n’adresse pas ma prière. Simplement, je matérialise mes émotions par des mots. Ce faisant, je prends simplement ma place dans la relation que nous tissons avec le patient tout en lui laissant la sienne. Jusqu’à présent, cela fut suffisant dans tous les cas.

La prière comme outil

Certains utilisent la prière comme un outil. Je ne m’inscris pas en soi en faux contre cette idée, mais je prends beaucoup de précautions face à cela. Proposer la prière comme outil d’accompagnement suppose qu’elle s’adresse avant tout à une personne pour qui elle fait déjà partie de la vie spirituelle. Il s’agit de mobiliser une ressource existante, et non d’introduire la prière dans un cercle où elle est étrangère. En effet, la prière est une ressource qui résonne uniquement lorsqu’elle correspond aux croyances et aux pratiques personnelles de l’individu. Pour les croyants, elle peut être un prolongement naturel de leur relation avec le divin, apportant apaisement, espoir ou structuration dans des moments difficiles. En ce sens, intégrer la prière dans un accompagnement revient à soutenir une pratique existante et à renforcer une ressource intérieure familière. Toutefois, il est essentiel d’explorer les attentes de la personne avant de la proposer, afin d’éviter tout décalage ou incongruence. Une prière imposée ou mal ajustée pourrait créer un sentiment de déconnexion, surtout si la personne ne partage pas cette démarche spirituelle. Pour celles et ceux qui ne prient pas, il existe des alternatives comme le silence, la méditation ou d’autres pratiques non confessionnelles qui respectent leur cheminement personnel (et encore, ici aussi, il faut savoir bien discerner les besoins et les attentes de chacun). Ainsi, proposer une prière exige une écoute attentive et une validation préalable, en veillant toujours à s’adapter aux besoins et aux croyances uniques de chacun.

La prière, comme tout outil d’accompagnement, nécessite une approche personnalisée et respectueuse des particularités de chaque individu. Lorsqu’elle est intégrée dans un cadre thérapeutique, elle peut effectivement devenir un espace de dialogue intérieur pour certains, une façon de retrouver des repères ou de réactiver des ressources internes. Cependant, il est crucial pour l’accompagnant de clarifier son rôle : il ne s’agit pas de proposer des réponses toutes faites ou d’imposer une vision spirituelle, mais plutôt de créer un espace où la personne peut explorer et mobiliser ses propres croyances et pratiques. Elle n’est donc ni bonne ni mauvaise en soi, mais peut être mal utilisée. Par ailleurs, il est important de reconnaître que la prière, bien qu’efficace pour de nombreuses personnes, ne remplace pas un accompagnement médical, psychologique ou psychothérapeutique. Ses effets (bénéfiques comme néfastes) se situent principalement sur le plan du bien-être global et elle ne doit donc pas être utilisée comme un substitut à des interventions nécessaires pour traiter des troubles spécifiques ou des pathologies graves. De même, la neutralité et la bienveillance de l’accompagnant sont à mon sens essentielles pour éviter de mettre la personne en difficulté face à des attentes irréalistes ou à un conflit intérieur.

En résumé, la prière, lorsqu’elle est adaptée et souhaitée, peut enrichir le parcours d’accompagnement en mobilisant une dimension spirituelle ou émotionnelle précieuse. Mais, son intégration doit toujours respecter les croyances, l’autonomie de la personne, s’ajuster à son contexte et être complétée, si nécessaire, par d’autres formes de soutien adaptées à ses besoins.

Proposer Jésus comme solution

Ce avec quoi je m’inscris en revanche en faux est le fait de proposer Dieu comme solution. Un jour, un médecin évangélique qui travaille dans le cadre de soins palliatifs m’expliquait qu’il n’avait aucun problème à « proposer » la foi chrétienne à ses patients, puisqu’elle n’était pas moins légitime que n’importe quelle autre pratique spirituelle sur le marché des croyances. Sa proposition passait justement par la prière.

J’y vois plusieurs écueils. Le premier est que pour beaucoup de chrétiens (notamment évangéliques, je le vois dans le cadre de mon travail lors d’interventions de pasteurs, d’officiers de l’Armée du Salut ou d’équipes de célébrants), la prière est souvent proposée comme une porte d’entrée vers la foi, qui elle-même amène au salut et à la vie éternelle. On prie pour introduire à la solution supposée, qui serait Dieu et la foi qu’il faudrait adopter. Cela reste bien souvent en filigrane derrière une proposition de prière : on ne prie pas pour faire du bien uniquement de manière désintéressée, mais pour que la personne soit aussi touchée et que par ce biais elle rencontre le divin qu’on vient lui apporter. Les personnes proposent la prière en se disant que « cela ne peut pas faire de mal » (ce qui, nous l’avons vu, est faux) et que potentiellement, cela peut amener la personne à être spirituellement sauvée en cas de décès, et donc lui ouvrir les portes du paradis. Cela arrive parfois en EMS où des visiteurs bénévoles viennent proposer des prières aux patients, les enjoignant ensuite avec aplomb à croire, afin qu’en cas de décès, ils soient sûrs d’aller au paradis et non en enfer (!).

Proposer Dieu comme solution ultime dans le cadre de l’accompagnement, en particulier en soins palliatifs, pose plusieurs enjeux éthiques et spirituels. Cela peut entraîner une forme de déni de la singularité de la personne accompagnée, en projetant sur elle des croyances ou des attentes qui ne lui appartiennent pas, au risque de nier son cheminement spirituel ou existentiel propre. Une telle démarche instrumentalise également la prière, en la détournant de son rôle d’expression intime et désintéressée pour en faire un outil de prosélytisme. Enfin, cette approche peut créer une pression implicite, en incitant la personne à adopter des croyances pour répondre aux attentes de l’accompagnant, au lieu de l’accompagner là où elle se trouve réellement. Dans ce contexte, il est crucial de préserver un espace de liberté et d’écoute, où la spiritualité de l’accompagnant ne se substitue pas à celle de l’autre, mais ou il l’accueille, la respecte profondément et la valorise lorsqu’elle est une ressource, en lien avec l’expérience et le parcours de vie de la personne.

Le second écueil est que bien souvent, la prière et l’action de Dieu sont proposées comme des solutions à des problèmes de santé ne pouvant se passer de traitement médicamenteux ou d’interventions chirurgicales. Ici aussi, mes expériences sont légion : j’ai déjà dû récupérer plusieurs patients décompensés, notamment en psychiatrie, pas nécessairement croyants à la base, mais à qui l’on avait promis que la prière et l’action de Dieu résoudraient leurs problèmes de santé psychique. Résultat : ils ont arrêté de prendre leur traitement et ont fait des rechutes qui parfois étaient catastrophiques pour eux, mais également pour leurs familles et leur entourage. À ce titre, citons l’exemple de Kevin (prénom d’emprunt). Un homme, d’une quarantaine d’années, psychotique et souffrant d’addictions à l’alcool. Après une hospitalisation en psychiatrie pour réadapter son traitement et à la suite d’une décompensation, il a rencontré des personnes provenant d’une église évangélique apostolique. On l’a emmené à des soirées « miracle et guérison » de la région et à un groupe de prière de l’église, afin de prier pour le « délivrer de son addiction et de ses troubles psy » qui étaient selon ses nouveaux compagnons « l’œuvre manifeste du diable dans sa vie ». À la suite de ces réunions, on l’a enjoint à arrêter ses traitements, car délivré, il n’en aurait plus besoin. Kevin a tout arrêté du jour au lendemain, ce qui a entrainé une décompensation nécessitant une nouvelle hospitalisation. Durant cette hospitalisation-là, il refusa la réintroduction du traitement, car disait-il, il avait été guéri par Dieu et qu’il n’en avait plus besoin. Il m’expliqua dans un entretien individuel que depuis qu’il allait dans cette église, il entendait la voix de Dieu qui lui parlait et lui disait que faire pour gérer sa maladie. Il a fallu un accompagnement de longue haleine et de nombreux entretiens avec le psychiatre pour que Kevin accepte finalement de réintroduire progressivement son traitement, retrouve une stabilité et une autonomie lui permettant de retourner à domicile. En l’occurrence, proposer Jésus comme solution, par le prisme de la prière (de délivrance ici) n’a pas été porteur, bien au contraire, pour la personne.

Plus que la prière, la présence

La prière, dans le contexte de l’accompagnement spirituel, est un outil complexe, porteur de significations variées et parfois contradictoires. Elle peut être une source de réconfort et de connexion pour certains, mais elle ne doit jamais être imposée ou utilisée comme un moyen de prosélytisme. Mon expérience, enrichie par les réflexions de Klaas Hendrikse et ma pratique auprès de patients de tous horizons, m’a appris que l’essentiel réside dans la qualité de la relation et dans le respect profond de l’autre, de ses croyances et de son cheminement personnel.

La prière n’est ni une solution universelle, ni une réponse automatique à la souffrance. Elle est, au mieux, un espace d’expression et de communion, qui doit être proposé avec discernement, bienveillance et humilité. Mon rôle d’accompagnant n’est pas de diriger, mais d’écouter et de soutenir, en offrant une présence sincère et respectueuse. Cela signifie parfois prier avec le patient (notamment pour le cas de prières rituelles), parfois s’abstenir, et toujours privilégier la relation humaine et la compassion.

Au-delà de la prière, c’est finalement l’attention portée à l’autre, la capacité d’être pleinement présent à ses besoins et à ses espérances, qui fait la différence. Je ne suis pas là pour prêcher la bonne parole aux gens, mais pour les accompagner. En cela, l’accompagnement spirituel dépasse les formes et les rituels pour devenir un acte profondément humain, au service de ceux qui traversent des moments de fragilité et de quête de sens.

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