La trilogie d’Antoine Nouis

En 2023, sortait le livre d’Antoine Nouis « Lettre à mes enfants éloignés de l’Église pour leur raconter ma foi ». Je dois être franc : ce genre de lecture me désintéresse a priori. Mais, travaillant dans le giron réformé, Antoine Nouis est un nom que j’entends souvent. C’est un peu une référence pour beaucoup de chrétiens protestants, notamment via son commentaire du Nouveau Testament édité en 2018. Finalement, comme pour Eric-Emmanuel Schmitt, je m’y suis intéressé plus par immersion que par réel intérêt. Ensuite, comme pour la plupart des auteurs que je découvre, j’apprécie de lire plus qu’un ouvrage pour saisir une plus grande part de sa pensée. En l’occurrence, Antoine Nouis a sorti trois livres dans un format similaire. Paraissait antérieurement « Lettre à ma belle-fille catholique pour lui expliquer le protestantisme » (2016) et « Lettre à mon gendre agnostique pour lui expliquer la foi chrétienne » (2010). Antoine Nouis est un pasteur protestant, docteur en théologie. Il est notamment à l’origine du site campusprotestant.com et a collaboré pour l’hebdomadaire « Réforme« .

Entrons dans le vif du sujet : je n’ai rien trouvé de scandaleux dans ces livres. Une lecture assez classique… tout ce qu’il y a de plus protestant réformé. Il y a ici et là des fulgurances ou des déploiements dont je pourrai m’inspirer par la suite pour développer des idées et des symboles dans ma lecture des textes bibliques. Mais globalement, je n’ai pas été transcendé par le propos et le format. La faute peut-être à quelques points de rupture fondamentaux sur lesquels je vais m’arrêter. Mais aussi et peut-être une incompréhension dans le public cible de ces livres. Vu la maison d’édition (Labor et Fides), j’imagine qu’ils ne s’adressent pas à des néophytes et des profanes de la spiritualité chrétienne ou de l’histoire du christianisme. Vu leur teneur, ils ne s’adressent pas à des initiés non plus. Du coup à qui est-ce destiné ? Ceci étant dit, j’ai trouvé que ces livres étaient assez inégaux. J’ai nettement préféré les deux derniers en date que la lettre à son gendre agnostique. La lettre à sa belle-fille catholique est concise et elle est rédigée sous un regard protestant, avec un regard critique que je trouve respectueux et bien mené. J’aimerais par la suite pouvoir lire un livre similaire, mais d’un point de vue catholique. Le rêve serait le point de vue d’un désaffilié, voire d’un athée pour avoir une pluralité de regards plus vaste. Enfin, je trouve la lettre à ses enfants intéressante. Contrairement à Sonia Mabrouk, qui dans son dernier livre manie le name dropping, les références de l’auteur sont toutes légitimes et apportent quelque chose au propos. J’ai en revanche un plus gros problème avec la lettre à son gendre et je vais m’y arrêter.

Globalement, je formule ma critique ainsi : lorsqu’il fait un travail de théologien, qu’il tente de déployer des symboles à partir du texte biblique, qu’il vulgarise, je trouve que l’auteur est très bon. L’anthropologie qu’il synthétise dans le livre à son gendre et les définitions qu’il explore dans la lettre à ses enfants me paraissent vraiment intéressants. Ces trois livres sont d’ailleurs condensés et synthétiques sans pour autant être trop denses. En revanche, dès qu’il fait intervenir des éléments de foi personnelle, je trouve que son écriture et son propos perdent de sa force. Il y a, comme à chaque tentative de témoignage en somme, trop de choses non argumentées, ou d’appels et d’arguments fallacieux qui ne rendent pas service au propos de l’auteur si on les décèle. Dans la lettre à son gendre, je trouve qu’il déploie (contrairement à la lettre à ses enfants) une spiritualité un peu simpliste. La faute non à son discours théologique donc, mais à certaines affirmations de foi, qui parfois ne repose simplement sur rien… sinon la foi que c’est bien comme il le dit.

La place de l’Église

L’un des points de rupture qui s’exprime très rapidement se situe au niveau de la place de l’Église. Dans la lettre à son gendre (et celle à sa belle fille où il reprend ce passage), l’auteur dit ceci : « Les Églises sont nécessaires, car les chrétiens ont besoin d’institutions pour se retrouver, durer dans le temps, organiser la solidarité… » (p.59) S’ensuit une description réaliste, mais négative de la place des institutions et de leur impact. Et l’auteur de questionner : comment créer une institution religieuse alors que celui dont elle se réclamerait les a contestées ? Comment exercer une autorité au nom de celui qui a contesté les autorités de son temps ? Pour finalement conclure par « l’Église est à la fois nécessaire et impossible« . Tout d’abord, pourquoi l’Église est-elle nécessaire ? Faudrait-il encore expliquer pourquoi un chrétien ne pourrait pas vivre sa foi sans institution ? Enfin, la raison validant la nécessité de l’Église est qu’il faille se retrouver, durer dans le temps et organiser sa solidarité. Là encore, ces trois points sont tout à fait atteignables sans église. Et, en allant plus loin, sont-ils des horizons indépassables ? Je crois personnellement qu’entre être un homme de foi et un homme d’appareil (pour reprendre les propos de l’auteur), il faut choisir. Je pense qu’être un homme d’appareil forcera à un moment ou à un autre l’homme de foi de s’effacer : on ne peut pas servir deux maîtres à la fois. Rendre la place de l’Église absolue, c’est se condamner à être un homme d’appareil. L’auteur étant théologien, j’aimerais bien qu’il m’explique sur quoi, théologiquement, indépendamment d’une démarche de foi, il peut fonder la nécessité absolue de l’Église institutionnalisée. Je me pose d’autant plus cette question, qu’il nous explique dans la lettre à ses enfants comment et pourquoi il a quitté son ministère de pasteur : le conformisme et la langue de bois théologique ont eu raison de son engagement.

Au niveau dialectique, l’idée de rendre l’Église nécessaire et indispensable pose un problème dans la construction du discours de l’auteur, notamment lorsqu’il enjoint son gendre agnostique à tenter le pari de la foi. En page 96 de ce livre, il dit ceci : « Mon cher Thomas, puisque tu es un scientifique, pourquoi ne pas appliquer à la foi les principes de la science expérimentale ? Fais l’expérience de la foi, de la lecture des évangiles, de te présenter devant Dieu dans la prière, de la fidélité à l’Église. Fais, ose, essaye pendant un temps suffisant… et relis ton expérience. » On le voit, poser l’Église comme nécessaire et indispensable donne un coût à la foi et à celui qui veut la tester : il faut être fidèle à l’Église. Et l’auteur par extension d’activer le fameux pari de Pascal : « que risque-t-on à parier sur le difficilement croyable plutôt que sur l’improbable ? Le seul risque que nous prenons est de mettre du sens et du sel dans notre existence. » (p.95) La prémisse de l’Église nécessaire induit une faille dans la dialectique de l’auteur : le risque étant que si le pari s’avère perdant, le prix à payer serait beaucoup trop gros. En effet, si après la vie il y a le néant, on perdrait alors les seuls 80 ans dont nous pourrions profiter au profit d’une chimère. Ce n’est pas un pari sans risque, c’est quitte ou double. Et, de souligner encore cette ironie, c’est qu’il engage son gendre agnostique à tenter la fidélité de l’Église, en disant lui-même dans un autre ouvrage qu’il ne veut plus rien avoir à faire avec l’institution ecclésiale. Précisons néanmoins qu’entre ces deux bouquins, il y a 13 ans d’écart, et que j’ai bien conscience que les positions de chacun peuvent évoluer dans le temps. Comme on dit, il n’y a que les cons qui ne changent pas d’avis.

Quelques arguments fallacieux à l’œuvre

Ce n’est pas une technique infaillible, mais lorsque je cherche à comprendre l’intention d’un auteur, je cherche les paralogismes et les arguments fallacieux. Pourquoi ? Parce que c’est bien souvent par les choses dont nous sommes convaincus que l’on est aussi piégé : beaucoup d’auteurs sont ainsi moins rigoureux et ont tendance à pécher par excès de conviction. Rien d’anormal en soi : nous le faisons tous et moi le premier.

Dans la lettre à son gendre, l’auteur fait appel au faux dilemme à deux reprises. En page 13, il dit « Face à l’énigme qui se situe au commencement de l’histoire du christianisme, deux propositions de réponse s’offrent à nous. Soit il s’agit d’un hasard difficilement explicable à partir des données de l’histoire ; soit nous devons accorder un certain crédit au témoignage, qui paraît tout aussi improbable, des disciples de Jésus. » À la page 50, il dit ceci : « L’homme de science en conclut qu’il y a une intelligence derrière l’univers, ou alors qu’il existe une infinité d’univers qui ont produit des milliards de façons différentes d’exister, ce qui ne manque pas de susciter en nous un certain vertige ! » Dans ces deux citations, l’auteur ramène la résolution du problème à deux possibilités uniquement, occultant de fait la possibilité qu’il y en ait d’autres. C’est là ce que fait le faux dilemme : il réduit abusivement la réflexion à deux choix pour forcer une conclusion. Cela détourne l’attention du lecteur à ces deux seules possibilités, l’empêchant de réfléchir à d’autres options possibles. Et cela peut conduire à une aliénation. En l’occurrence, pour la première citation, il y a toutes sortes de nuances possibles entre le hasard et la foi que l’on accorderait à des prétendus témoins. Enfin, je suis persuadé qu’il existe bien des hommes de sciences qui ne croient pas en une intelligence derrière l’univers tout en pouvant conclure à autre chose que l’existence d’un multivers. Le problème est qu’ici ces arguments servent à inciter le lecteur à croire en Dieu.

Un autre argument fallacieux brandi par l’auteur, et je le trouve plus préoccupant, est un dérivé de l’argument de l’homme de paille. C’est un passage que j’ai déjà cité précédemment qui se situe en page 96 de la lettre à son gendre : « Mon cher Thomas, puisque tu es un scientifique, pourquoi ne pas appliquer à la foi les principes de la science expérimentale ? Fais l’expérience de la foi, de la lecture des évangiles, de te présenter devant Dieu dans la prière, de la fidélité à l’Église. Fais, ose, essaye pendant un temps suffisant… et relis ton expérience. » L’homme de paille consiste à déformer, exagérer ou simplifier la position de son interlocuteur pour donner l’impression qu’elle n’est pas défendable. On crée une nouvelle position, qui n’est plus celle de notre vis-à-vis, mais qu’on lui attribue. Un homme de paille sur lequel on tapera plutôt que de taper sur le vrai argument. Je l’ai dit, il s’agit ici d’un dérivé de l’homme de paille en ce que l’auteur utilise ce qu’il pense être un scientifique pour arriver à convaincre son interlocuteur de tester la foi. Ce faisant, il reprend le terme scientifique pour l’utiliser à son compte. En effet, un scientifique n’est pas une personne qui « essaie » pour voir si cela lui correspond. Et, la science expérimentale ne vise pas à tester des choses pour les ramener à sa propre subjectivité et à sa convenance. Bien au contraire, la démarche scientifique, c’est avant tout une méthode permettant de tester la fiabilité d’énoncés sur la base de protocoles vérifiés et reproductibles. C’est d’autant plus gênant ici que l’auteur a déjà réduit la conclusion des hommes de science à un faux dilemme auparavant : il empile les arguments fallacieux. De plus, l’existence de Dieu ne pouvant ni être prouvée, ni être réfutée, une affirmation de foi n’a rien à faire avec une démarche scientifique. Néanmoins, et je le dis, je ne pense pas que l’auteur cherche à manipuler qui que ce soit. Je pars aussi du principe qu’il est probablement de bonne foi et fondamentalement bienveillant… mais que sa foi l’emporte sur la rationalité. Il s’est laissé piéger par ces biais cognitifs, comme nous tous. C’est, il me semble, sinon toujours, le plus souvent le problème quand il y a motivation à évangéliser.

Ceci étant dit, si je m’appuie sur l’idée que là où il y a le plus de biais et d’arguments fallacieux, là se trouve l’objectif de l’auteur, je dirai que la lettre à son gendre a pour but de convaincre le lecteur de faire le pari de la foi chrétienne. Cela se corrobore avec ce que propose l’auteur : « je ne peux pas démontrer par A+B que l’Évangile est une parole de vie ; en revanche, j’ai envie de te dire, ainsi qu’à tous ceux qui lisent ce livre : essaye ! Qu’est-ce que tu risques ? » (p. 89) La foi n’est pourtant pas une activité que l’on essaie, c’est une grâce que l’on reçoit.

La foi, et la manière de l’envisager et de la concevoir

Le titre du troisième livre m’a interpelé. L’auteur écrit à ses enfants éloignés de l’Église pour leur raconter sa foi. Outre le fait que l’un de ses enfants est aussi pasteur, je ne comprends pas le lien que fait l’auteur a priori entre le fait d’être éloigné de l’Église et la foi. Peut-être faut-il y voir une extension de la nécessité de l’Église pour lui. Pour ma part, j’ai été tout au long de mon parcours confronté à pléthore de personnes pensant que quitter l’Église, c’est abandonner la foi. Que quitter l’Église, c’est devenir incroyant. Pourtant, et ce n’est pas Antoine Nouis qui me contredira : quitter l’Église, ce fut pour moi avant tout quitter le conformisme et la langue de bois pour reprendre ses mots, c’était rechercher plus d’authenticité, parfois plus de radicalité (au sens des racines et non au sens d’un durcissement) peut-être. Sans le vouloir, même s’il ne le dit pas explicitement et de cette manière dans son ouvrage, le titre de ce livre vient renforcer une idée reçue qui n’a pas besoin de l’être.

L’idée dans ce livre que je trouve largement discutable est cette vision d’une foi « éclatée ». Dans la lettre à ses enfants, l’auteur dit ceci : « Quand on pense à la foi, un texte biblique qui vient à l’esprit est celui de la maison bâtie sur le roc. J’aime l’image de la maison car, à l’image de la foi, elle possède plusieurs pièces. Des pièces publiques et des pièces privées, des lieux de travail et des espaces de repos, des caves avec des coins sombres et des greniers pleins de souvenirs. (p. 23) » J’avoue très sincèrement ne pas comprendre où il veut en venir. Peut-être est-ce dû à l’objet de ma foi qui diverge visiblement de celui de l’auteur. Celui-ci met sa foi de manière assez classique dans le Dieu de la Bible, à qui il parle, auquel il croit, et dont l’amour serait la centralité de sa fondation en tant qu’être humain. Pour ma part, je crois à la manière de Klaas Hendrikse que l’idée de Dieu est un symbole. Considérant que symboliquement Dieu s’est fait humain pour m’inciter à me tourner vers l’humain et à mettre ma foi dans la relation, dans l’altérité. Quant à un Dieu à qui je pourrais parler, je dois bien avouer que j’ai suspendu mon jugement. Nous nous rejoignons en ce sens que c’est la relation qui est centrale, mais nous n’entrons pas premièrement en relation avec la même personne. À lui Dieu, à moi mes semblables. Ma manière d’envisager la foi fait que cette image de maison aux multiples pièces ne me parle absolument pas. Ou alors, c’est simplement une description de la vie sous tous ses aspects et rien de plus. Cette vision de la foi se retrouve dans la manière qu’il a d’envisager le ministère pastoral. Plus loin, dans le même chapitre, il dit : « Le problème de tous les pasteurs est de trouver des lieux de ressourcement où ils peuvent être eux, libérés de l’image pastorale, où ils ont le droit de partager leurs questions et leurs doutes, leurs lassitudes et leurs découragements. » (p. 29) En fait, je perçois ici que plus que de foi, il est question d’image. Image du chrétien, image de la foi, image du pasteur, image de l’être humain que nous sommes et que l’on s’attèle de renvoyer… Toutes ces images s’entremêlent dans un flou identitaire, d’où cette idée de foi « éclatée ». Évidemment, il y a les personnes et ce qu’elles projettent sur la figure du pasteur qu’est Antoine Nouis, de l’aumônier que je suis. Mais plus fondamentalement, il y a la posture avec laquelle on fait face à ces projections. On peut, il me semble, choisir d’être un.

Ce second passage éclaire il me semble le premier : la question des différentes pièces est peut-être due à la question de l’image que l’on renvoie (ou que l’on croit renvoyer) comme croyant, quel que soit ce que l’on entend par croyant. C’est l’un des aspects que je n’ai jamais compris durant mon parcours dans les Églises : l’image que l’on renvoie. Je ne suis pas Jérôme un moment donné, accompagnant spirituel à un autre moment, croyant à un autre moment. Je suis tout le temps Jérôme et accompagnant spirituel, croyant à ma manière. Même si j’en conviens, je « n’aumônise » pas mes amis comme je ne partage pas mon intimité avec mes patients. À l’époque où je travaillais en addictologie, mon directeur commentait les tableaux que j’avais au mur de mon bureau en me disant ceci : « je t’invite à te questionner sur l’image que ces tableaux te donnent en tant qu’accompagnant spirituel, vis-à-vis des personnes qui passent dans le couloir« . Je dois avouer que ces projections que peuvent faire les personnes, positives ou négatives sur ma fonction, m’importe peu dans ma posture. C’est bon d’en avoir conscience, mais ça ne change pas ma posture : je suis qui je suis, avec ma sensibilité. De la même manière, je me sens ici aussi proche d’une spiritualité analogue à celle de Klaas Hendrikse tout en me disant chrétien, ce qui suscite beaucoup de questions et de projections sur ce que je suis. « Mais finalement, tu es athée ou croyant ? » Je pourrais me laisser happer par ces projections et me laisser diviser intérieurement en voulant contenter la chèvre et le chou : donner, ici ou là, une image qui correspond à ce que l’on peut attendre d’un athée ou d’un croyant, et jouer sur le flou et sur toutes les nuances possibles de ces termes. Bien plus, je pourrais mal vivre chacune de mes interactions sociales en fonction du milieu où je me trouve : avoir honte de ma vision de la foi dans les milieux libertaires ou avoir honte de ma culture dans mon milieu professionnel. Mais non : il n’y a pas dans ma foi de maison avec des pièces différentes. Elle est une, comme je suis un.

La foi (pour ma part) est une capacité spirituelle de faire abstraction de toutes les contradictions autour de moi pour fixer un regard sur un objectif, un lieu vers lequel je tends à mettre ma confiance. Je projette dans une abstraction intérieure un objet de pensée et je me dis : c’est le vrai, ou cela m’emmène vers des plans supérieurs. La foi, c’est donc un mouvement. En ce sens, je rejoins l’auteur qui dit que la foi n’est pas un but, une destination, mais un chemin. Personnellement, à la suite de ce que je crois comprendre des évangiles, c’est vers l’autre que je décide de fixer mon regard. Le problème avec la description que fait l’auteur de la foi, c’est qu’il nous explique qu’un jour, il a dit oui à l’Évangile. Mais quel est l’objet de sa foi : Dieu, l’Évangile, Jésus, les autres, sa mission… et par extension lorsqu’il parle de doute, cela en devient un concept abstrait aussi. Son chapitre intitulé « Nuit spirituelle » m’échappe.

Ainsi, lorsqu’il enjoint le lecteur dans la lettre à son gendre à essayer, à faire le pas de la foi, voici le programme : « Le matin, avant d’aller au travail, tu prends quinze minutes pour lire un texte et déposer ta journée – ton travail, tes rendez-vous, tes rencontres – dans la prière, et confier à la grâce de Dieu ceux que tu aimes. Le soir, avant de t’endormir, tu relis ta journée, tu rends grâce pour ce qu’elle a eu de beau, tu demandes pardon pour ce qui a été raté et tu remets ce qui te fait souci. Dans la journée, si tu es stressé ou si tu te sens gagné par la peur ou des mauvais sentiments, tu t’arrêtes quelques secondes et tu pries. Une amie qui exerce de grosses responsabilités professionnelles me disait : « Quand je suis débordée, je lance toutes mes occupations vers le ciel et elles retombent dans l’ordre, classées, dans la distinction entre ce qui est urgent et ce qui est important. » Enfin, le dimanche, tu fais sabbat, tu le vis comme un jour différent pour prendre le temps de faire relâche, de penser à Dieu, de donner du sens à ta semaine et d’aimer les tiens. » (p.89) J’avoue que cela m’a un peu fait penser à une recette de développement personnel qu’à la grâce de la foi.

La boucle est bouclée.

En rédigeant ce paragraphe sur la foi, je réalise que c’est véritablement le seul chapitre du livre sur lequel je me suis achoppé, alors que j’ai trouvé les autres intéressants. Je réalise par extension que cette critique rejoint celle que j’ai faite au début de cette chronique : lorsqu’il fait un travail de théologien, qu’il tente de déployer des symboles à partir du texte biblique, qu’il vulgarise, je trouve que l’auteur est très bon. En revanche, dès qu’il fait intervenir des éléments de foi, je trouve que son écriture perd de sa force. Cela se ressent donc pour moi dans sa manière de décrire la foi. Aussi, le travail de théologien, comme celui d’historien, fait appel à l’intellect, la recherche et à une construction rationnelle et scientifique. Ce que la foi n’appelle pas a priori. Pas étonnant donc que tout ce qui a trait à la foi et à la croyance soit plus flou, et plus sujet aux biais cognitifs. Si je peux croire à la sincérité du témoin, je n’accorde pour autant pas forcément du crédit à son témoignage. En l’occurrence, je garderai d’Antoine Nouis ce que je juge bon, à savoir son travail de théologien. Je mettrai de côté son témoignage personnel. Une personne que j’aimerais néanmoins assurément rencontrer pour pouvoir échanger avec lui.

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