Journal de bord # 5 : Syndrome FOMO

FOMO : fear of missing out. En français, la peur de rater quelque chose ou le syndrome du ratage. Directement après avoir publié le dernier billet de mon journal de bord, je repense à une discussion avec une amie, psychologue sociale, qui me parlait du syndrome FOMO.

L’épisode 10 de la saison 6 de la série « How i met your mother » s’appelle « l’Enfer du Blitz » (« Blitzgiving » en anglais). Ted, le personnage principal, organise son premier Thanksgiving. Alors, il rate une soirée épique avec deux de ses amis, dont un est connu pour être le « Blitz », celui qui rate toutes les soirées épiques. Ted devient le « Blitz », à son grand dam et surtout à son corps défendant. J’expliquais à mon amie que parfois j’avais l’impression d’être le Blitz, ratant passablement de choses épiques. Du tac-o-tac, elle me répond : « c’est la FOMO, un truc de notre époque remplie de divertissements et de loisirs.« 

Il s’agit d’une forme d’anxiété qui se manifeste par la peur de manquer une nouvelle ou un évènement important et ayant un impact social. Ponctuellement, nous en souffrions un peu tous lors du premier confinement de la COVID. Pour ma part, je me rappelle que chaque soir avant de me coucher, je scrollais sur les « info live » des médias romands pour voir toutes les nouvelles liées à la pandémie. Impossible pour moi d’y couper un soir.

Cette peur prend racine dans certains aspects de notre vie moderne et de sa technologie. En cause, les téléphones mobiles et les réseaux sociaux principalement. L’anxiété, en plus de marquer la peur de manquer quelque chose, s’accompagne aussi souvent de la peur d’être hors connexion, et est spécialement présente chez les personnes souffrant de nomophobie (la phobie d’être séparé de son téléphone mobile). Les réseaux, par la quantité d’informations qu’ils proposent, et le fait de voir tout ce que nos amis font et que nous ne faisons pas nous-même, nourrissent l’angoisse de manquer quelque chose. Si je ne suis pas nomophobe, j’avoue qu’à certains égards, j’ai pu manifester un certain penchant à la peur du ratage.

Ce qui est intéressant avec le syndrome FOMO, c’est qu’il est largement exploité, comme d’autres peurs, par certaines pratiques marketing. C’est un puissant outil pour conduire le consommateur à l’achat, lors d’évènements comme le Black Friday par exemple : ne ratez pas cette offre !

La FOMO de la connaissance

Fut une époque où j’étais littéralement accro aux vulgarisateurs sur YouTube. Après une longue période où j’avais mis mon esprit critique et ma soif de connaissances en veille par mon immersion dans certains milieux religieux (vous pouvez lire quelques épisodes y relatifs dans mes chroniques d’un désaffilié), j’ai entamé une sorte de marathon de rattrapage. Je me gavais de contenus de vulgarisateurs, je m’abonnais frénétiquement à toutes les chaînes qui m’intéressaient. Mon envie de rattraper le temps perdu m’a littéralement conduit à angoisser à l’idée de ne plus « rentabiliser » mon temps libre. Il fallait que je sois à jour sur les sorties : histoire, zététique, psychologie, physique, chimie… tout y passait. Je voulais emmagasiner le plus possible. À ce titre, je justifiais de passer mon temps libre sur mon écran de smartphone. Le temps passant, et en intégrant mon expérience de vie à mon parcours, les anxiétés ont diminué et j’ai repris une utilisation de YouTube normale. Je pense que c’est à la suite de cet épisode que je suis resté croché à mon téléphone portable. Si l’angoisse de rater une sortie sur YouTube a baissé, je pense que mon attrait pour le scrolling lui restait intact. Avec le temps, ce sont les shorts et les reels inutiles qui ont pris la place des vidéos de vulgarisation.

Infinite Scroll

Il y a un facteur de perte de contrôle potentielle dans l’utilisation aux réseaux et dont nous n’avons que peu conscience, c’est la technique du défilement infini, ou infinite scroll. Cette fonctionnalité, typique des réseaux sociaux, permet d’afficher un nouveau contenu, à l’infini, lorsque l’utilisateur arrive en bas d’une page, et sans qu’il le demande. Cela encourage l’utilisateur à passer plus de temps sur la plateforme et à la nourrir d’autant plus. Outre la perte de maîtrise et le renforcement de comportement chronophages en lien avec le temps passé sur les réseaux, cela induit une surcharge cognitive, dans le sens où, recevant trop d’informations à la fois, l’utilisateur peine à s’orienter dans une recherche spécifique (et donc perd potentiellement le contrôle, notamment du temps). Enfin, cela crée une sorte d’entonnoir de visionnage : plus on regarde de vidéos, plus nos préférences sont automatiquement ciblées par l’algorithme et plus les contenus proposés sont uniformes et se ressemblent. Des choses dont je me passe, et dont je me passerai volontiers à l’avenir donc.

JOMO

Certains adeptes de développement personnel pratiquent l’inverse du FOMO, le JOMO (Joy of missing out), la joie de manquer. Cette idée célèbre le plaisir de choisir intentionnellement de ne pas participer à des activités sociales ou de se déconnecter du monde numérique, en particulier des réseaux sociaux. Cela invite à se focaliser sur ce que l’on aime faire.

En soi, pourquoi pas. Le JOMO encourage une approche plus consciente et équilibrée de la vie. Il permet de se concentrer sur ce qui est vraiment important pour soi, de réduire le stress lié à la surstimulation (notamment numérique) et de potentiellement trouver du plaisir dans des activités simples. Il valorise le bien-être personnel et la qualité de vie. En même temps, comme toutes ces « techniques » de développement personnel, cela conduit l’individu à ne se centrer que sur lui, ce que j’essaie d’éviter. En réalité, on a juste créé un concept pour nommer et connoter positivement l’idée de plaisir déconnecté des réseaux, dans une optique totalement individualiste.

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